Peut-on faire une psychothérapie ou une psychanalyse au téléphone ?


Les séances de psychothérapie et de psychanalyse au téléphone

Landscape de Van gogh

Retour sur l'ouvrage : Le téléphone. Quelle clinique ? Quelle technique ?

L’ouvrage d’Édith de Amorim, psychanalyste, membre du RPH, Magali Meslem et Sophie Vitteaut psychothérapeutes membres du RPH intitulé Le téléphone. Quelle clinique ? Quelle technique ?[1] Sorti en 2024, se propose de questionner cette possibilité d’une psychothérapie et d’une psychanalyse au téléphone.

Peut-on faire une psychothérapie ou une psychanalyse au téléphone ? Comment faire usage du téléphone dans la cure ? Quels sont les effets thérapeutiques rencontrés dans les cures qui se déroulent au téléphone ? Qu’est-ce qui distingue l’écoute psychanalytique d’une écoute par des écoutants de service type SOS ?

L’ouvrage souligne que l’usage du téléphone se développe dans les années 2000. L’essor d’internet, mais également l’essor de la baisse des coûts de communication ou tout simplement, ces dernières années, l’accélération de la mobilité des êtres : études à l’étranger, expatriation, changement de vie, mais aussi le télétravail ont installé le téléphone comme outil de travail parmi d’autres. Les possibilités de notre modernité d’aller et venir rendent cette mobilité davantage possible, et même de plus en plus nécessaire à certains êtres.

L’épidémie de la COVID-19 a accéléré ce mouvement et cette tendance à la mobilité, et cela, à bousculer la pratique psychanalytique. En effet, il revient au clinicien de prendre en compte ce réel et de mettre en œuvre les possibilités d’action de la psychanalyse. Les aménagements et les modifications du cadre classique psychanalytique témoignent de la même visée : rendre possible la cure psychanalytique avec un être.

Cette possibilité de cure par téléphone se rencontre principalement lorsqu’un patient commence une psychothérapie ou une psychanalyse au cabinet et qu’il déménage pour donner suite à un nouveau poste, pour donner suite à des études dans une nouvelle région ou bien suite à un désir de vivre ailleurs, mais encore, en cas de maladie. Alors comment faire ? Interrompre la cure ou proposer autre chose ? Et bien les cliniciens du RPH proposent à l’être qui le désire, de poursuivre par téléphone afin de ne pas rompre le transfert engagé et parce qu’il est possible de maintenir ce transfert au téléphone. Ce travail avec transfert est ce sur quoi s’appuie une cure psychanalytique.

C’est fondamentalement sur ce point que se distingue l’écoute psychanalytique de l’écoute d’autre plateforme d’aide considérée par les auteurs d’ « écoute parenthèse sans construction »[2] et sans désir de savoir. Introduire de la « souplesse »[3] et faire preuve d’inventivité, permet à l’être de grandir en consultation en situation distancielle.

Avec un psychanalyste, l’écoute téléphonique s’appuie sur un désir visant la castration symbolique et les jouissances associées de l’être. Il ne s’agit pas d’une écoute qui favorise le déversement, mais au contraire met au cœur de celle-ci, l’avancée de l’être et son désir de savoir, selon les auteurs.

Dans cet ouvrage, nous trouvons de la clinique : la sortie de psychothérapie avec Lucien est la preuve qu'un travail psychothérapeutique peut se faire à distance. Avec Louise, nous trouvons aussi la clinique de la fin de vie avec une psychothérapie palliative et les effets d’apaisement qu’elle a produit, et même le témoignage d’une sortie de psychanalyse avec le cas de Claire.

Cette clinique du téléphone met en évidence ce que les auteurs écrivent : « (…) c’est tout l’intérêt de cette technique téléphonique, une souplesse, une humilité qui bravent les intempéries qui traversent les êtres et qui sait attendre son heure : la résolution des symptômes, l’assomption subjective, le rebond, la construction d’une existence »[4].

J’ai également été sensible à ce qui témoigne du transfert et de sa fragilité dans la clinique téléphonique, mais surtout de la manière dont un clinicien peut en prendre soin notamment ici dans ce qui relève de veiller « à la qualité de l’ambiance sonore »[5].

Cette qualité sonore rejoint ce qui est développé sur le cadre d’une psychothérapie par téléphone : « Ce n’est pas parce que la psychothérapie se déroule par téléphone que le cadre se délite, cela implique d’avoir l’ouïe fine. »[6] Les auteurs signalent que ce dispositif téléphonique s’il produit des effets, c’est aussi parce que le clinicien veille « à ce que la personne n’abuse pas du dispositif »[7].

Le cas d’Ulysse nous permet d’entrevoir qu’au téléphone, il y a les tempêtes, le tumulte de la résistance, mais aussi la traversée et l’apaisement comme cela se retrouve dans les cures au cabinet. On y retrouve aussi les abandons de cure. Cela vient souligner que tous les êtres n’ont pas de désir de savoir. Pour beaucoup, la psychothérapie au téléphone apparait comme un « coup de main »[8] pour passer une épreuve difficile, un cap. Ils se satisfont d’aller mieux.

Pour d’autres et c’est le cas de Claire, il peut permettre l’assomption de la position de Sujet et de la sortie de psychanalyse.

Comme le concluent les auteurs sur cette pratique du téléphone, il s’agit d’« une invitation à prendre place au repas du savoir et de la connaissance »[9]. Le téléphone apparaît alors comme un dispositif thérapeutique fragile, à partir duquel peut naître un dispositif thérapeutique consistant.

Cet ouvrage nous permet d’éclairer la pratique des séances à distance au téléphone et aussi des possibilités de travail qui en découlent mais aussi, des effets cliniques et thérapeutiques que ce travail à distance peut produire. 

 

 

 


[1] Amorim (de), É., Meslem, M., & Vitteaut, S. Le téléphone. Quelle clinique ? Quelle technique ? ParisÉditions, 2024.

[2] Ibid., p. 22.

[3] Ibid., p. 31.

[4] Ibid., p. 40.

[5] Ibid., p. 57.

[6] Ibid., p. 59.

[7] Ibid., p. 64.

[8] Ibid., p. 86

[9] Ibid., p. 116.


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