Les consultations psy via une IA : un nouvel objet de jouissance

Après la démocratisation des consultations à distance depuis le confinement de 2020, l’arrivée de l’intelligence artificielle générative offre aujourd’hui la possibilité de confier sur ses difficultés à une IA, et cela, à tout moment.

L’article du site Slate intitulé « “J’ai peur d’aller voir un psy” : pour certains, ChatGPT devient une oreille à qui se confier »[1] se propose, à travers plusieurs témoignages, de répondre à la question pour quelles raisons des personnes en difficultés mentales font le choix de se confier à une IA plutôt qu’à un psychothérapeute ?

Dans l’article, nous retrouvons, le cas de Camille, 28 ans, qui a honte de se sentir mal et qui ne veut pas se sentir jugée. Dans son cas, ChatGPT apparaît comme la solution. Pourtant, la souffrance psychique n’a que faire de la classe sociale et du statut tout comme de l’âge.

Quentin, 30 ans, lui, manque de courage et estime, avec raison qu’il en faut pour se dévoiler à un professionnel et affronter ses problématiques. Il n’a pas tort. Sauter le pas d’une rencontre avec un psychothérapeute ou un psychanalyste, consiste déjà à accepter que quelque chose n’aille pas. Ensuite, il faut beaucoup de courage et d’humilité pour avancer vers le changement et modifier ce qui ne va pas.

Se confier à une IA traduit cette transformation du mode de relation à l’autre de plus en plus désincarné de nos jours, et filtré par écrans interposés. La difficulté se situe dans le fait de prendre pour vrai ce qui est imaginaire et que de cette manière, la relation authentique à l’autre, au semblable se voit remplacée par une relation dématérialisée.

Le progrès rend aujourd’hui possible la démultiplication des objets de jouissance, des objets à profusion, disponible tout le temps, immédiatement. Ils permettent la satisfaction des besoins dans l’instant. Puisque cantonner au champ du besoin, la pulsion ne souffre alors plus d’être ajournée, repoussée et remise à plus tard. Cette satisfaction du besoin fait taire le désir.

Cela, a-t-il une incidence sur la subjectivité des êtres ? Certainement. Croire, que tout peut être disponible, tout le temps est un leurre qui désubjectivise bien plus qu’il ne subjective.

Si l’époque n’est plus vraiment aux voyants et aux marabouts, il semble que l’IA occupe désormais une place similaire, celle de rassurer les êtres devant l’angoisse que suscite la solitude de ce monde en pleine mutation civilisationnelle.

Si l’IA écoute et génère des contenus et des réponses selon des algorithmes probabilistes et prédictifs, une psychanalyse est orientée par la répétition d’un signifiant. À la différence d’une IA, ce signifiant se veut créateur et non générateur. Un lapsus est création de l'être parlant et du désir voilée qui tend à se faire entendre par les interstice du discours. Il ne peut être interprété que pris dans une relation de transfert dans le cadre d'une psychothérapie ou d'une psychanalyse.

[1] Haddouche, M. « “J’ai peur d’aller voir un psy” : pour certains, ChatGPT devient une oreille à qui se confier », Slate, le 21 décembre 2024, consulté le 29 décembre 2024, https://www.slate.fr/sante/chatgpt-remplace-psychologue-peur-tabou-psychotherapie-chatbot-intelligence-artificielle-ecoute-confiance-risques-dependance-accompagnement-psy-ia-tech