À Nanterre, le 01 juillet 2022
Ouarda Ferlicot
Comment devient-on femme ?
Les difficultés d'accès à la position féminine et à la féminité
Cette question du devenir femme taraude Sigmund Freud durant toute son œuvre et jusqu’à la fin de sa vie. Il en était arrivé au constat qu’une femme ne surmonterait jamais vraiment son complexe d’Œdipe. Elle reste, selon lui, attachée à une certaine dose de masculinité et son désir d’avoir un jour le phallus est plus fort que le reste, ce qu’il nomme le roc de la castration.
Dans l’article "Arrêtez de dire aux filles qu’elles sont des « garçons manqués" du 22 juin 2022 du magazine en ligne Slate, Hélène Pagesy revient sur cette question de l’identité de femme.
Comme l’auteur de cet article le souligne l’expression « garçon manqué » laisse entendre qu’il manquerait quelque chose à une fille pour être une fille. Or, Jacques Lacan le souligne, il ne manque rien à la fille. Elle a un sexe tout comme le garçon a le sien. Le problème de notre temps est qu’encore régulièrement c’est la norme mâle qui est surestimée, valorisée, alors qu’être femme ressemblerait plus à une tare. De ce point de vue, et suivant cette lecture, un sexe reste surestimé par rapport à l'autre et cela concerne les deux sexes !
Ainsi, le discours continue de véhiculer cette idée que la femme serait en défaut comparé à l’homme. Une fille qui très tôt entend un discours positif sur ce qu’elle est en tant que fille, son sexe et ce qui peut concerner la position féminine, pourra construire plus facilement sa position féminine, se sentir mieux dans son sexe et plus grande sera sa capacité à s’épanouir dans ses potentialités de femme.
Contrairement à ce que mentionne l’article, ce n’est pas à 2 ans que la quête de l’identité fille commence. Chaque enfant est traversé par un bain de langage et de discours et cela bien avant la naissance. Lorsqu’il naît, il est nommé et parlé. Il remarque très tôt que papa et maman ce n’est pas pareil. Il fait la différence.
Françoise Dolto, note que très tôt le nourrisson réagit à la voix de son père quand il entre dans une pièce, il la distingue de la voix de sa mère. Et progressivement cette différence, il va la construire selon différente étape de son développement et l’accepter.
C’est l’intégration de la différence des sexes et des générations et cela passe par la traversée de l’Œdipe et du complexe de castration. Ce dernier marque une limite au sein de l’appareil psychique, une limite structurante organisatrice du possible et par conséquent de ce qui n’est pas possible comme l’interdit de l’inceste et celui du meurtre.
Par ailleurs, il introduit un manque en lieu et place de la toute puissance infantile. Concernant les sexes, cela implique qu'il y a un manque à savoir de l'autre sexe, puisqu'il n'est possible de parler que d'une position sexuée et cela que l'on soit homme ou femme.
La construction de la position féminine, position parce qu’elle n’est pas d’emblée, elle se construit au fur et à mesure des années et passe effectivement par le fait de se défaire de cette masculinité inhérente à la construction de la vie psychique d’une petite fille.
C’est pourquoi Freud, maladroitement a pu écrire que la fille est un « petit d’homme ». Dans cet article, les propos de Leslie en témoigne : « J’avais un gros questionnement identitaire et le fait de souffrir de ma « masculinité » m’a empêchée de me découvrir sexuellement. Je n’ai pu découvrir ma sexualité que bien plus tard, une fois que je me suis défaite de ce carcan qu’on impose aux femmes. »
Le chemin peut être long pour chacune pour accéder à une position féminine et découvrir sa féminité et c’est une découverte qui passe par soi, loin des modèles, car ils sont absents.